Jacques-André Haury Jacques-André Haury - médecin et député
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Jacques-André Haury, le crépuscule des libéraux

Paru dans Le Temps le 11 nov. 2003

Le libéral vaudois a été battu dans son ascension vers le gouvernement cantonal par le Vert François Marthaler, mais aussi par les intrigues de son parti.

Aujourd'hui, il reprend la liberté d'exprimer sa pensée. Pour dire ce qui le sépare de l'UDC. Et plaider pour une fusion avec les radicaux, qui «ont perdu leur spécificité».

Parmi ceux et celles en qui s'incarne la chute des partis bourgeois traditionnels, il y a le libéral vaudois Jacques-André Haury. Battu dimanche lors de l'élection complémentaire au Conseil d'Etat, il s'est retiré avec élégance devant son rival François Marthaler, qui a sauvé le siège des Verts au gouvernement cantonal. Sa défaite n'est pas seulement personnelle.

C'est aussi celle de son parti et de tout le centre droit vaudois qui, sur un candidat pourtant unique, n'a recueilli que 30% des suffrages. Lundi, dans son cabinet de médecin, le Dr Haury enfile une blouse pour la photo. Pour bien montrer peut-être qu'il y a une vie après la mort d'un futur conseiller d'Etat.

Son échec, il veut y trouver quelque chose de bon. Ne briguant plus rien, il sera plus libre de dire ce qu'il pense au gouvernement, à ses amis et alliés politiques. Un petit supplément d'indépendance contre la fin d'une longue ambition. Si tout avait marché comme prévu, Jacques-André Haury aurait dû succéder à Claude Ruey au printemps 2002. Une succession quasi naturelle, planifiée par les intéressés dès 1998, date à laquelle le Lausannois, après une longue activité politique dans sa ville, a été élu député. Seulement voilà, c'était compter sans les intrigues de chapelles, les calculs inavouables, la volonté de l'aile «économique» du parti à avancer son propre candidat. Pour les élections générales, le congrès tenu en septembre 2001 devait lui préférer Claudine Amstein, la directrice de la Chambre immobilière, qui ratera son coup. Le second siège libéral sera perdu, seul restant en place Charles-Louis Rochat.

Héros presque malgré lui d'une élection surprise en 1998, M. Rochat s'est révélé problématique pour les siens dès lors qu'il s'est retrouvé seul de son bord dans l'équipe du Château cantonal. Sa faible capacité à imprimer une marque libérale sur les affaires n'est pas pour peu dans l'acharnement de son parti à vouloir reconquérir un second siège proportionnellement injustifié. Cette ambition s'est effondrée avec les échecs libéraux de dimanche et des précédents scrutins. Mais il apparaît rétrospectivement que la résignation ratée de 2001 témoignait déjà d'un parti mal en point.

Pourquoi donc les idées qui marchent avec une UDC triomphante ne marchent-elles pas avec les libéraux qui en partagent bon nombre, qu'il s'agisse de l'exigence de rigueur financière ou du retour de balancier prôné dans le domaine de l'asile, de la drogue ou de l'aide sociale? Lors de sa campagne, le candidat libéral a eu des mots sévères pour ceux de ses contemporains qui se reproduisent sans avoir les moyens d'assumer leurs enfants sans l'aide publique. «Croyez-vous que nous parlions vraiment de la même chose?, rétorque Jacques-André Haury.

Entre l'ordre qu'une droite à tendance fascisante veut faire imposer par l'Etat et l'ordre voulu par les libéraux, il y a une sacrée différence.» Et de renvoyer dos à dos la gauche qu'il déteste et cette droite non libérale qui lui est étrangère: «L'une comme l'autre attendant des solutions qui viennent de l'Etat.» «C'est une droite de consommation, dit-il encore au sujet de l'UDC. Elle demande à l'Etat de chasser ce qui fait désordre. Nous incitons à ne pas tendre la main, c'est moins facile à vendre.»

Le battu de dimanche n'est pas pessimiste pour les valeurs libérales. La prise de risque, la responsabilité individuelle, l'esprit d'entreprise ont un avenir, puisque «ce sont ces valeurs qui fondent le renouvellement de la société.». Sur le sort de sa formation politique, Jacques-André Haury ne nourrit ni illusions ni états d'âme. «Il aurait fallu fusionner avec l'UDC il y a quinze ans, quand c'était encore un parti agrarien. Maintenant, il faut s'allier aux partenaires les plus proches, les radicaux. Et aller jusqu'à la fusion, sans tourner autour du pot.»

Mais contrairement à l'idée annoncée au lendemain du 19 octobre par les présidents suisses des deux partis, il veut commencer par le bas, en bon fédéraliste, au niveau cantonal voire communal. «A Lausanne, nous devrons l'avoir fait pour les prochaines élections communales (2006). Ces secrétariats qui nous coûtent cher, ces journaux qui disent à peu près la même chose, ces candidats si difficiles à trouver, quels gaspillages humains et financiers!»

Tout de même, comment celui qui a fondé les Jeunesses libérales en 1971, alors que tant de gens de sa génération baignaient dans la mouvance soixante-huitarde, peut-il renoncer si facilement à l'identité libérale? «Le mot libéral ne devra pas disparaître du nom du futur parti. Au moins il a un sens, contrairement au terme radical. L'héritage libéral survivra, alors que la spécificité radicale, elle, a disparu. Ce qui faisait historiquement la différence entre nous, c'est l'identification des radicaux à l'Etat, jusque dans le domaine religieux. Or cette relation privilégiée n'existe plus. L'échec des radicaux est plus sévère encore que le nôtre.»

Le prix de la démocratie
Menacés par un second tour, les Vaudois mesurent le prix de la démocratie. Tombé dimanche soir, le verdict du premier tour de l'élection complémentaire au Conseil d'Etat était sans appel. Tous les adversaires du Vert François Marthaler (42,3% des suffrages) ont décidé de se retirer. Tous sauf un: le sans-parti Marc-Etienne Burdet (2,6%) attendra l'utilme délai, soit ce mardi midi, pour se déterminer.

Proche du mouvement Appel au Peuple qui regroupe des justiciables révoltés, il a une exigence: pour qu'un second tour soit évité, les autorités cantonales doivent s'engager «à ouvrir des enquêtes pénales, en collaboration avec moi, sur tous les dossiers que je dénonce (publiés ou non).»

L'organisation du scrutin coûterait environ 500 000 francs au Canton. Lundi, l'Etat a bien sûr relevé que le prix des libertés civiques ne se marchandait pas. Mais il s'interroge aussi sur l'opportunité de modifier les dispositions légales pour éviter à l'avenir de tels chantages. Dimanche soir déjà, le conseiller d'Etat Pierre Chiffelle songeait à un quorum.

Mais il est vite apparu qu'un tel butoir introduirait une inégalité de traitement: dans le cadre des élections au Conseil des Etats comme au Conseil d'Etat, tout citoyen vaudois peut se présenter à un second tour, même s'il n'a pas participé au premier. L'introduction d'un quorum impliquerait donc la suppression de cette possibilité. Ce serait toucher à une légende: en 1981, pour sauver un de leurs sièges au gouvernement, les radicaux avaient lancé in extremis au second tour un certain Jean-Pascal Delamuraz. Depuis, il est vrai, bien des choses ont changé.

Daniel Audétat




 

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