Jacques-André Haury Jacques-André Haury - médecin et député
Jacques-André Haury
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  CATHÉDRALE DE LAUSANNE

La première messe depuis deux siècles

Paru dans ECHO Magazine le 4 nov. 2004

Le 13 novembre une messe sera célébrée à la cathédrale de Lausanne. Un événement rarissime, qui fait suite à la proposition du médecin protestant Jacques-André Haury d’ouvrir la cathédrale aux autres confessions chrétiennes vaudoises. Entretien avec le déclencheur de l’initiative, acceptée par l’Eglise protestante, et éléments d’histoire.

Le 21 décembre 2002, le député et médecin Jacques-André Haury publiait dans 24 Heures une prise de position surprenante: ouvrir la cathédrale de Lausanne à d’autres confessions chrétiennes. Cette idée faisait suite à diverses célébrations oecuméniques, ayant eu la cathédrale pour cadre depuis l’an 2000.

La proposition était acceptée par l’Eglise évangélique réformée (EERV) qui admettait le principe de célébrations autres que le culte réformé. Le 13 novembre y sera donc célébrée une messe catholique. Qui sera suivie d’une autre, au printemps prochain. «Acte prophétique», «événement symbolique fort», «très vive émotion »: depuis son annonce, ce partage de la cathédrale ne passe pas inaperçu. Le 7 avril dernier,les catholiques par la voix de Mgr Pierre Bürcher manifestaient profil bas, ne souhaitant aucunement que la première messe célébrée depuis 200 ans soit perçue comme un geste de reconquête. Le point avec le docteur Haury, l’initiateur de ce geste oecuménique.

Vous pensiez que votre proposition irait aussi loin?
On a l’impression que le canton de Vaud, et Lausanne en particulier, sont le nombril du monde. Mais cette démarche est sans conséquences si elle reste un incident isolé dans l’histoire des chrétiens d’Europe. Si elle peut s’inscrire dans une démarche plus symbolique, qui peut irradier audelà, j’espère que c’est prophétique.

Au départ vous pensiez créer une telle dynamique? 
Je pensais que c’était relativement simple et que les gens devaient être rapidement d’accord. Mais ce fut ressenti comme un acte symbolique. Au moment où les partenaires y voient un symbole, cela signifie que ça dépasse l’acte lui-même.

Que représente la cathédrale pour vous?
C’est le plus bel édifice culturel du canton et un endroit qui doit être habité par ceux qui l’ont voulu à la gloire de Dieu. Je trouvais qu’elle était peu occupée par les protestants, tout en étant sollicitée par des mouvements culturels. Or il faut absolument qu’elle reste le lieu d’une vie de foi. Comme lieu de culte, avec les célébrations oecuméniques, ça a déjà réussi. Si les catholiques, anglicans et autres, retrouvent la cathédrale, cela rend incontestable le fait qu’elle est le lieu de la célébration chrétienne, et le culturel vient après.

Du côté des catholiques, il n’y a, disent-ils, pas de velléité de reconquête.
Les protestants sont toujours un peu méfiants. Pour certains catholiques, les protestants et l’héritage de la Réforme sont simplement inexistants. Je comprends donc que des protestants craignent que cela manifeste un peu plus notre insignifiance. On prend nos lieux de culte et petit à petit... Alors que la cathédrale n’a pas été prise, mais a été offerte.

Mais cette initiative a été critiquée...
Il fallait s’y attendre. Mais je prends les critiques comme toute remarque désobligeante consécutive à une proposition politique,c’est-à-dire qui touche à la marche de la cité. Il n’y a que l’inaction qui rencontre 100% de consentements!

Dans quelle mesure la cathédrale est-elle un lieu symbolique pour les réformés du canton de Vaud?
Pour les protestants, la cathédrale de Lausanne est moins symbolique que ne l’est la cathédrale Saint-Pierre à Genève. Si on faisait des messes à Saint-Pierre de Genève, il faudrait faire des cultes à Saint-Pierre de Rome! Dans le Pays de Vaud, la cathédrale est plus le symbole du lien entre une tradition chrétienne et un canton, que le symbole d’un combat protestant. Bien sûr il y a eu la Dispute de Lausanne, [débat théologique entre partisans et adversaires de la Réforme en 1536, ndlr], mais il y a eu moins de luttes autour, comme à Genève.

Vous n’avez pas eu l’impression de trahir votre Eglise?
Suite à cette proposition une célébration de la Parole a lieu une fois par mois [depuis le mois d’août 2004, ndlr], préparée à tour de rôle par une Eglise chrétienne. La juxtaposition de ces traditions est de nature à les renforcer les unes et les autres, parce qu’elles ont toutes une richesse et une plénitude.

Quelle est l’identité de l’Eglise protestante si elle n’est plus seule à utiliser la cathédrale?
L’identité de l’Eglise protestante a été facile quand tout le monde était protestant, de père en fils. Au moment où cette prépondérance recule, il peut y avoir deux tendances. La première est de plaire à tout le monde et de devenir insignifiants. La seconde tendance est de mieux se profiler pour qu’on nous reconnaisse: cela n’exclut nullement le partage d’un lieu de culte avec d’autres. Les protestants qui considèrent que le temple du Christ, c’est le peuple des croyants – le lieu n’étant que secondaire – sont d’autant mieux préparés à le partager avec d’autres confessions chrétiennes. Au fond, c’est parce qu’on est protestant qu’on peut partager. Si cet événement donne aux protestants l’occasion de redéfinir des principes d’organisation de leur Eglise, cela la renforce. Par exemple, le principe de la relation entre le lieu de culte et la foi. On fermait les Eglises du temps de Calvin pour faire comprendre aux fidèles qu’on pouvait prier partout. On a besoin du temple, comme lieu de rassemblement, mais ce n’est pas un endroit où l’on rencontre Dieu mieux que dans le secret de sa chambre. C’est donc aussi une occasion de dire qu’on entend réunir des gens pour prier le même Dieu que nous confessons.

Recueilli par Bernard Litzler


 

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