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POLITIQUE
La pédagogie laissée aux politiciensParu dans Le Temps le 21 avril 2008 Jacques-André Haury, médecin, député libéral au Grand Conseil vaudois, affirme que la perte d'indépendance des sociétés de parents et d'enseignants a laissé le champ libre à la révolte. «Occupe-toi de médecine, et laisse les enseignants s'occuper de pédagogie!» m'ont dit plusieurs collègues députés vaudois. Le chef d'un département romand de l'instruction publique exprimait récemment son interrogation: comment se fait-il que, les mêmes réformes pédagogiques ayant été introduites dans tous les cantons romands, le débat n'ait pris une telle dimension politique que dans deux cantons seulement: Vaud et Genève? L'instruction publique, c'est-à-dire la façon dont notre civilisation se transmet aux générations futures, est évidemment d'une importance telle que tout politicien devrait s'y intéresser. Mais cette réponse n'est pas suffisante. Pour moi, c'est le rôle joué par les deux partenaires principaux de l'Etat en matière d'éducation qui explique cette polarisation: je veux parler des associations d'enseignants et des associations de parents. La Société pédagogique vaudoise (SPV), la Société pédagogique genevoise (SPG) et l'Association des parents d'élèves (APE) ont failli à leur mission. Parlons rapidement de l'APE. On pouvait attendre de cette association de parents - et de ses multiples sections cantonales et locales - qu'elle soit le relais des préoccupations des parents auprès de l'autorité scolaire. C'est elle qui aurait dû entendre le désarroi des parents face à certaines pratiques pédagogiques, à commencer par la suppression des notes. Mais elle n'a pas joué ce rôle. Prise en otage par des militants endoctrinés, cette association s'est employée à fonctionner à l'envers: elle a tenté de convaincre les parents de se plier aux décisions de l'autorité. Elle est devenue un instrument du pouvoir. La plus belle illustration de ce phénomène se trouve dans l'initiative genevoise pour le retour des notes au primaire. L'APE genevoise (le GAPP) s'y est opposée, et pourtant l'initiative a été plébiscitée par 76% des votants. Si l'APE, se faisant le porte-parole de tous les parents, avait à temps empoigné la question des évaluations, il est possible que le recours à l'initiative populaire n'aurait pas été nécessaire. Le phénomène des sociétés pédagogiques est analogue. La SPV et la SPG se sont investies de la mission de faire passer les réformes pédagogiques auprès de leurs membres, en complète allégeance aux directives des départements concernés. Les voix dissidentes ont été ignorées, dans le meilleur des cas, conspuées dans les autres. Il fallait faire passer par tous les moyens les dogmes socio-constructivistes élaborés par la FAPSE. Quiconque émettait des critiques, observant que la pratique résistait à ces théories, était traité de «réactionnaire», voire de «facho». Ceux qui émettaient des objections étaient des traîtres, et le seul souci était de les faire taire. C'est dans ce contexte que sont nées des associations d'enseignants dissidentes: à Genève ARLE (Association refaire l'école), dans le Canton de Vaud AVEC (Association vaudoise pour une école crédible). Ces associations ont été le fer de lance des initiatives populaires. A notre connaissance, le climat est différent dans les autres cantons, en particulier dans le Valais où la société pédagogique SPVal ne s'est pas employée à étouffer le débat pédagogique. Lorsque les partenaires institutionnels de l'école publique pervertissent leur mission, lorsqu'ils font taire leurs membres pour leur imposer une idéologie venue de gourous haut placés, le système dysfonctionne. Et c'est dans ce contexte que des politiques se sont sentis le devoir d'intervenir et de se mêler de pédagogie. Ils ont entendu le désarroi d'une partie du corps enseignant et des parents. Ils se sont indignés d'apprendre que tant d'enseignants, constatant que les moyens didactiques fournis par l'école ne leur permettaient pas d'atteindre leurs objectifs, passaient des heures devant des photocopieuses pour distribuer à leurs élèves du matériel «pirate». Ils ont été impressionnés d'apprendre que tant de parents courent les librairies pour offrir à leurs enfants des manuels explicites, avec des règles, des exemples et des exercices, à l'opposé des «situations-problèmes» diffusés par la pédagogie dite «de la découverte». Ils ont aussi pris connaissance de travaux scientifiques, principalement en provenance d'Amérique du Nord, qui démontraient que les pratiques pédagogiques issues des théories de Piaget n'étaient pas efficaces. Ces politiciens ont porté sur la place publique des préoccupations qui auraient dû s'exprimer dans les associations d'enseignants et de parents. Peut-être faut-il le regretter: la sérénité est toujours préférable à la confrontation, dans l'école tout particulièrement. Mais cette sérénité ne consiste pas en une domination idéologique à l'endroit de parents ou d'enseignants qui, de bon droit et sur la base de leur expérience de chaque jour, observent que les enfants sont déstabilisés par les méthodes pédagogiques inappropriées qu'on leur impose. Depuis quelques années, le Syndicat des enseignants romands (SER) prend de l'importance. Il en aura davantage encore dans le cadre de la Convention scolaire romande. Jusqu'à ce jour, nous devons malheureusement constater qu'il présente exactement les mêmes défauts que la SPV et la SPG: alignement strict sur l'idéologie socio-constructiviste dominante avec un mépris déclaré pour toute autre approche; et la condamnation systématique de ce qui se faisait avant les «réformes». Dans ce contexte, il est bien probable que le climat scolaire politisé que connaissent Vaud et Genève s'étende aux autres cantons romands; et que d'autres politiciens ouvrent le débat. On ne le leur reprochera pas: ils font leur devoir en prenant le relais d'associations qui ne font pas le leur. |
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